PARIS (France) - 17/5/10 - 3B Conseils - Nous vous signalons aujourd'hui l'éditorial de Brigitte Bornemann (fondatrice et déléguée générale du cycle de conférences Défense et Environnement) et Xavier Lebacq (consultant et ancien ingénieur général de l’armement) paru sur le portail du site de Prorecyclage : "Peut-on penser hexagonal pour la gestion de la fin de vie des systèmes d'armes et des matériels militaires ?"
Cet éditorial est reproduit ci-dessous :
"Le recyclage des produits issus du démantèlement des installations et matériels ainsi que le traitement des déchets résiduels sont des secteurs industriels en pleine croissance à l’échelle mondiale. Ils s’inscrivent directement dans le développement durable de nos sociétés. Des règlementations de plus en plus strictes ont vu le jour aux niveaux international, européen et national.
Pour les industries de défense et le ministère de la défense, l’éco-conception et la gestion de la fin de vie des systèmes d’armes et des matériels* sont désormais considérées comme incontournables.
Quelles sont les contraintes réglementaires ?
Un véritable « arsenal » de réglementations encadre désormais le monde des déchets et des activités de recyclage et il s’applique d’une façon ou d’une autre au monde de la défense, sans jeu de mots !
La convention de Bâle régente les transferts transfrontaliers des déchets et son "Ban amendment", transcrit dans la réglementation européenne exclut toute exportation de déchet dangereux hors OCDE. Les directives sur installations classées pour la protection de l'environnement (IPCE), sur l’eau et sur l’air sont maintenant reprises dans le code de l’environnement, qui s’applique pleinement au plan national aux activités de démantèlement.
S'y ajoutent la convention de Rotterdam qui impose l’information sur les produits dangereux dans toute exportation, la réglementation européenne REACH qui va imposer la traçabilité de tous les produits et le bannissement dans l’UE de ceux qui sont dangereux et la convention de Hong-Kong qui va imposer un démantèlement des navires civils protégeant les travailleurs et l’environnement ; cette convention entrera en vigueur dans les prochaines années. Ajoutons à la liste la convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, dite convention de Londres, qui interdit toute immersion de déchets..
D’autres réglementations spécifiquement militaires émergent, telle que la convention sur l’interdiction et la destruction des armes à sous-munitions qui conduit à un vaste programme de démantèlement de munitions dans le monde.
Quelle est la situation actuelle en France ?
Plus de 200 000 tonnes de matériels militaires français sont aujourd’hui stockées en attente de démantèlement dans nos bases. Le nouveau format des armées va porter le tonnage total à plus de 350 000 tonnes dans les dix ans à venir. Cela pourrait engendrer la création ex nihilo en France d’environ 200 emplois, voire moins car il convient de tenir compte de la concurrence européenne et des industries déjà existantes pour traiter les démantèlements de matériels civils et militaires en Europe.
Un tel tonnage reste faible à l’échelle des millions de tonnes du monde civil et doit être certes sérieusement relativisé en termes de perspectives industrielles et d’emplois. Les coûts dépendront de nombreux critères tels que le degré de pollution, la complexité des systèmes, le cours des métaux, la localisation des démantèlements et les coûts de main d’œuvre …
Les munitions, avec leurs risques pyrotechniques de vieillissement, de démantèlement et leurs contraintes de stockage, ont été plus régulièrement éliminées. Bien que l'on puisse optimiser leur recyclage à parfois plus de 95% de la matière, leur démantèlement conduira toujours à une dépense de plusieurs millions d’euros. En effet, la nature et les contraintes pyrotechniques des installations de démantèlement ont un coût significatif par rapport aux revenus du recyclage.
Des crédits avaient déjà été prévus par la DGA pour le démantèlement de missiles nucléaires, la « dénucléarisation » de nos sous-marins à propulsion nucléaire (enlèvement du combustible nucléaire et traitement différé de la tranche réacteur), la destruction des munitions chimiques de la première guerre mondiale (opération SECOIA), ainsi que le démantèlement de certaines installations industrielles. A ces crédits, il a été ajouté plus de 100 millions d’Euros sur les 6 ans à venir pour les opérations de démantèlements de munitions conventionnelles, navires, matériels terrestres, aéronefs et équipements électroniques.
Le démantèlement des 22000 roquettes sous-munitions antipersonnel du système d’armes MLRS, roquettes désormais interdites par la convention de Dublin, absorbera une partie de ces crédits et il pourrait s’étaler sur environ 8 ans.
Le démantèlement des navires complexes, anciens et amiantés qui sont considérés comme des déchets dangereux s’est imposé dans le périmètre de l’UE ou de l’OCDE selon la nature des opérations. Il coûtera aussi quelques millions d’Euros, même si l’objectif global reste de vendre certains navires au démantèlement comme sont parvenus à le faire nos homologues britanniques avec la remontée actuelle des cours de métaux...
Va-t-on vers des filières françaises propres aux matériels militaires ?
La problématique est que, face à un tissu industriel européen déjà existant, les tonnages militaires n’appelleraient pas à eux seuls a priori de politique industrielle spécifique par rapport au jeu concurrentiel européen.
Mais, dès lors que les bases navales doivent servir en priorité au soutien et au maintien en condition des navires de la marine, vers quelles installations industrielles iront nos navires à démanteler ? Si l’on n'y prend pas garde, les chantiers déjà existants en Europe, bénéficiant déjà de synergie industrielle avec le recyclage civil et de coûts horaires plus faibles qu’en France démantèleront tous nos navires de surface.
La création de quelques dizaines d’emplois en France pour démanteler une part de nos navires pendant une dizaine d’année n’est-elle pas quand même un enjeu ? Gardons-nous d’appréciations trop rapides au seul critère de coûts directs des démantèlements en période de chômage ! Le rapport de la mission parlementaire de Monsieur Pierre Cardo apportera son éclairage sur ces questions.
Ayons aussi à l’esprit que, au delà du caractère affectif que l’on peut garder pour nos vieilles coques de surface, il est souhaitable que nos coques de sous-marins soient déconstruites en France pour des raisons certes toutes aussi affectives mais surtout au titre de la protection de notre technologie dans le domaine de la propulsion et de la dissuasion nucléaire.
Le cas spécifique des munitions mérite aussi une analyse particulière au titre de la sécurité des munitions, leurs éléments pyrotechniques mais aussi du contenu technologique. Cela pourrait justifier une filière française judicieusement dimensionnée et capable aussi de gagner des parts de marché sur le créneau du démantèlement international : les stocks à éliminer dans certains pays ne manquent certes pas !
Quant aux aéronefs, véhicules terrestres et déchets électroniques militaires, les tonnages et technologies en jeu ne permettent raisonnablement pas d’envisager des filières spécifiques d’autant que l’avantage économique probable à les démanteler au plus près de leur site de stockage conduira naturellement à fournir de la charge, en France pendant 10 ans, pour environ une cinquantaine d’emplois. Les industries de service à l'environnement sont bien placées dans ce domaine et peuvent créer des synergies avec les démantèlements de matériels civils.
Peut-on ou doit-on mutualiser les moyens de démantèlement ou de destruction au niveau mondial ou européen ?
Chaque pays d’Europe a ses propres stocks et flux de matériels à éliminer. Chacun a sa propre organisation pour traiter la question et les priorités sont encore diversement appréciées. Des échanges d’informations ont vu le jour dans le cadre de l’OTAN. Son agence, d'entretien et d'approvisionnement la NAMSA est déjà prestataire de service pour détruire les mines terrestres anti-personnel, et démanteler des munitions conventionnelles. Elle pourrait peut-être demain proposer ses services pour mutualiser les démantèlements de navires, véhicules et aéronefs. Cette prestation de service viendrait alléger la charge des services de soutien dans la contractualisation et le suivi des opérations de démantèlement.
En guise de conclusion
Bien que les matériels militaires ne représentent pas un volume important et que leur démantèlement ne suppose pas la création de nombreux emplois ni d’avancées technologiques particulières, ces démantèlements peuvent revêtir des aspects de sensibilité particulière en période de rareté de création d’emplois et en matière de protection de notre savoir faire technologique. Ces aspects suggèrent une réflexion nuancée sur la juste part à démanteler en France."
Article : SLG/BB 3B Conseils
Sources : 3B Conseils
lundi 17 mai 2010
Peut-on penser hexagonal pour la gestion de la fin de vie des systèmes d'armes et des matériels militaires ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire